Marwen Belkhiria
La possibilité d'une ville
Canberra, Brasilia, Chandigarh, Islamabad, Naypyidaw ou encore Astana. Toutes des villes créées de rien. Des « actions de l’homme contre la nature ». Six exemples différents partout dans le monde, avec chacun une trajectoire. Suffisants à eux seuls pour reposer le débat et convaincre les plus réticents. Ou plutôt pour poser la question à ceux que ça intéresse ; c’est-à-dire les architectes. Et donc, pourquoi une nouvelle capitale pour la Tunisie ? Et surtout pourquoi pas ?
Après les six villes citées, des telles interrogations devraient être balayées mais, encore une fois, ce qui est une évidence pour tout le monde, nous devons le rappeler à chacun. Rappeler le contexte de déséquilibre territorial, rappeler qu’une nation a besoin d’idéaux communs et rassembleurs. Rappeler que la politique est aussi de la géographie. Qu’on n’ira jamais à certaines régions parce que désormais il y a une autoroute. Oublier cependant d’être patriote ou altruiste, mais penser à soi. A Tunis, infernale. Plus aucune perspective d’évolution sans des méfaits considérables (projets pharaoniques, pathétiques, des promoteurs qui font la ville…). Penser à cette formidable opportunité, penser aux emplois créés, à la fierté retrouvée, au centre de gravité remis à sa place. Je veux qu’on change de capitale, non pas parce que je pense au reste du pays ou bien pour corriger les injustices, mais parce que j’ai toujours vécu à Tunis, et qu’elle arrive à bout.
Il faut commencer de rien, mais se placer au centre. Pour ne favoriser personne, car tout le monde est susceptible. Depuis les événements de 2011, un nombre incalculable de débats ont été posés, parfois des plus absurdes, mais pas celui-ci. Un cadre mental est imposé, qui fait dire aux différents intervenants, à peine leur évoque-t-on une telle possibilité, “qu’il faut absolument arrêter de jouer avec le feu”. Tunis, incontestable, est au-dessus de toute critique. Il faut briser ce cadre. Nous avons perdu 10 ans, veut-on en perdre 100 ?
En tant qu’architectes, nous sommes amenés à apporter des solutions. Créer une nouvelle capitale en est une, car il répond à deux problème majeurs du pays: le développement urbain de Tunis, qui concerne le 1/4 des Tunisiens, et les disparités régionales structurelles, c’est-à-dire les 3/4 restants.
