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Photo du rédacteurMarwen Belkhiria

Émotion pragmatique

Comment définir le rôle de l’architecture ?  S’il fallait le faire, c’est à dire, résumer, parfois réduire, concentrer et ne garder que l’essentiel, ce sera au moyen d’un oxymore: L’architecture c’est créer une émotion pragmatique. Créer une émotion au moyen du réel, du concret. En résonance avec des concepts comme Primitive Future ou Évolution Créatrice, et loin d’une attitude art contemporain, où tout devient art au gré des caprices des artistes. L’architecture, art du concret, se propose de créer, mais plus justement de susciter au moyen de données réelles, une émotion chez celui qui lui fait face.


Ces émotions sont de différentes natures et avec des nuances subtiles : surprise, joie, curiosité, intrigue… vivre une architecture c’est comme rencontrer une personne. Une personne qui est potentiellement capable de nous faire plusieurs effets, comme nous faire rire ou nous sembler mystérieuse. L’architecture devrait être capable de nous faire le même effet.

L’architecture utilise les proportions et les échelles, les formes et les textures, les scénarios fonctionnels et les technologies. Ce sont là ces outils, qui sont la manifestation de son rapport avec un site physique, avec un contexte historique matériel et immatériel, avec des données programmatiques. Elle ne doit pas aller chercher plus loin les arguments de sa justification.  Elle doit au contraire, toujours, avoir un lien avec le réel duquel elle doit nécessairement tirer ses outils, sa matière première.

Les gens se souviennent des anciennes façades, mais ils ne peuvent deviner que les ouvertures d’un bâtiment sont d’anciennes adresses reliées entre elles sur un plan. L’angle de vue est dans ce cas trop restreint et n’ayant aucun rapport au vécu réel des usagers. Le gratuit, le faux s’installe.


Pour donner un exemple de cette notion d'émotion pragmatique, pour un projet de maison au bord de mer, et en raison de la proximité de la nappe phréatique, l’idée était de surélever la maison sur pilotis pour limiter les remontées capillaires. En plus de cette approche pragmatique, due à la nature du sol, implanter la maison sur pilotis lui confère un aspect temporaire, comme simplement posée et non ancrée, elle est prête à repartir. Le but est d'évoquer un camping-car familial, l’idée du voyage, la légèreté de l’été et des vacances. A des contraintes réelles, comme le sol, la réponse apportée est de nature qui dépasse la simple solution technique.

“Ah ! On dirait une caravane !”


L'architecture n'est viable que parce qu'elle provoque une émotion. C'est l'émotion qui révèle son esthétique. Et non parce qu'elle est pragmatique. Cet aspect pragmatique sert uniquement à l'ancrer dans son contexte particulier et immédiat, et non à l'éterniser. L'émotion nous lie à un lieu.


Nous essayons de recentrer la pratique architecturale sur ses questions fondamentales: le site, les choix programmatiques, la matérialité, le développement futur du projet, les frais d’exploitation. Et donc loin du maniérisme, des habitudes formelles et fonctionnelles auxquelles il faut résister et démontrer leur futilité.


Certains concepts sont creux. D'autres concepts make sense. Les premiers trouvent racine dans nos intuitions, les seconds ne sont que des abstraction vides. De même, certains concepts sont architecturaux, et d'autres non adéquats à l'architecture. Parmi les premiers, le concept d'ouverture/fermeture; comme l'ouverture d'un bâtiment sur une vue, sur un vide, ou sa fermeture face aux vents dominants ou en réaction à un voisinage. Un patio est une ouverture. À cet égard, l'architecture est certainement un jeu de pleins et de vides, mais également le jeu de l’infinité de nuances qui existe entre les deux. Également le concept de tension est architectural. La tension formelle qui révèle les caractéristiques d'un volume, ou celle qui met face à face deux élément hétérogènes pour mettre en lumière leur caractère propre. La tension entre une construction est son contexte urbain. La tension est une forme de dialogue.


On oppose souvent les notion d'art et de science, de sensibilité et d'esprit rationnel, mais il semble pourtant évident qu'il s'agit d'un tout indissociable à la fois art et science, sensibilité et raison. Et il semble bien que poser le problème en ses termes est un frein à une compréhension globale et holistique du monde et de l'architecture. Se poser la question de savoir si l'architecture est un art ou une science, c'est se poser la mauvaise question. L'architecture est inspiration et discipline, poésie et technique. Et c'est sûrement là un de ses plus grands intérêts. Elle porte en elle une dimension poétique contrastant avec sa réalité constructive ou économique. Et bien que c'est dualités existent, ces oppositions, il est nécessaire pour une appréhension complète d'essayer de les dépasser, ou plus précisément de ne pas voir en ses oppositions une limite ou une invitation à choisir.



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